La fête est finie

Amsterdam - Mai 2009

Dans le cadre de mon boulot  je côtoie des hommes (et des femmes) qui ont atteint un certain niveau financier (je dis certain niveau mais en fait c'est un niveau très élevé voire, pour la plupart, démesuré si on le compare au notre), alors qu'ils ne s'y attendaient pas forcément.
Ce pouvoir économique s'accompagne du pouvoir social et du pouvoir relationnel.
Ils ont l'habitude d'obtenir tout ce qu'ils veulent car ils paient pour l'obtenir ou alors ils demandent à des personnes qui ne sont pas en  position de leur refuser quoique ce soit.
Ils veulent, ils prennent, ils obtiennent, rien ne doit leur résister, pas leurs salariés bien sur (faut pas déconner, non  plus, ceux ci devraient plutôt les remercier de les faire travailler), mais aussi pas leur famille. Femme, enfants, tout le monde doit les suivre, les admirer, accepter la vie qu'ils leur font mener, eux aussi étant redevables du pouvoir financier.
Ce sentiment de puissance et de liberté suprême leur font oublier certaines règles comme l'honnêteté, le respect humain ou le simple fait qu'on ne peut pas tout faire, tout obtenir et que certaines fois il y a des résistances et des révoltes.
Je côtoie plus particulièrement un homme qui vient d'avoir 60 ans (il ne veut pas entendre parler de retraite car il s'ennuie en dehors de son boulot, rien ne l'intéresse, il n'a quasiment pas d'amis), qui est en train de vivre une expérience somme toute classique mais qui pour lui est extraordinaire, inattendue et qui lui fait perdre tous ses repères.
En gros, il ne sait plus où il habite ...
Mais qu'arrive t il à cet homme ?
Il vient de découvrir que sa femme (la 2éme), préfére ne plus souffrir et regagner sa liberté même si au passage elle perd quelques millions (oui, j'ai bien écrit millions) d'euros.
Il avait pris l'habitude depuis quelques années d'avoir régulièrement une maîtresse. Plus ou moins discrètement, (puisqu'on arrivait à le savoir !) c'était uniquement des plans cul, bien que cette expréssion ne lui convienne pas car il est plutôt dans le schéma du puissant bourgeois du XIX° siècle, qui a, entre autres signes extérieurs de richesse, une (plusieurs pour  lui) belle voiture et une belle maîtresse, plus jeune, plus belle que sa femme.
Seulement, cette fois ci, sa femme n'a pas supporté et elle a dit stop.
Il faut aussi se mettre à sa place ! Pour paraitre toujours plus jeune, plus belle, pour correspondre à SES critères à lui, elle a dû subir environ une opération esthétique tous les ans, au moins ! Ce n'est pas une exagération de ma part : elle est liftée, botoxée, liposucée, son nez, sa bouche, ses pommettes, ses paupières, ses seins, son ventre, ses fesses, tout est refait !  A chaque rentrée de septembre, on se demandait ce qu'il y aurait de nouveau.
Malgré ça, il a une maîtresse, et grande nouveauté, la même depuis 2 ans.
Elle s'est surement dit : " tout ça pour ça ? "
Elle vient de demander le divorce et lui met une pression terrible pour que la séparation physique et financière soit réalisée rapidement. En 2 mois elle a réussit à le trainer chez le notaire.
Et lui, il est perdu !
Il ne sait pas quoi faire, il panique, il perd la mémoire, il répète toujours les mêmes choses, il s'épanche, il a des idées noires, il n'a plus envie de rien et il alterne les phases euphoriques et dépressives durant lesquelles il est très agressif.
Pour la deuxième fois de sa vie quelqu'un lui résiste et le fui. (La fois précédente, c'est sa fille qui lui a infligé cette humiliation, en fuyant sa maison à 16 ans pour aller vivre dans la rue, en refusant toute aide financière, mais c'est une autre histoire !)*
Il est obligé de reconnaître que son argent ne lui permet pas tout, qu'il y avait une limite à sa liberté, en fait.
Je n'éprouve aucune empathie vis à vis de ce qu'il devient, de ce qu'il vit, je regarde, j'écoute mais ça ne me touche pas.
Je ne dis pas non plus que c'est bien fait, non, je suis juste indifférente, comme si je lisais un livre (et encore, je me demande si je ne serais pas plus touchée !), comme s'il était un personnage de fiction.
Pour lui, la fête est finie, c'est sur, car sa maîtresse va vite se lasser de son état dépressif (et oui, je connais sa maîtresse !), elle vient d'avoir 40 ans, elle est une jeune divorcée, elle a aussi beaucoup d'argent, elle est belle (presque naturellement, pour le moment, elle n'a refait que les seins), et je ne les imagine pas ensemble pour très longtemps.

Amsterdam - Mai 2009

* Non, je n'exagère pas ! Il a vécu vraiment tout ça, ils ont fait tout ça. Ça semble énorme quand on liste tout sur une seule feuille, mais j'assure que tout est vrai.

Comments

[Flo]

@ N'eva : je ne sais pas si je vais te rassurer ... le truc marron n'est pas un poteau pour attacher ta bicyclette ... Quant à tourner 7 fois, vaut mieux dans son slip qu'ailleurs en effet ;-)
@ JPLA : en effet ! tu as bien résumé la situation, il a peur de devenir un homme comme les autres, anonyme, simple mortel avec pas plus de pouvoir que n'importe qui.
@ Lafemmedessteppes : son fric, lui permettra de rebondir c'est sur car pas sur qu'il ait compris la leçon.
@ Harry : belle synthèse. Il a collectionné les maîtresses pour se prouver qu'il existe et qu'il a le pouvoir de tout avoir. Tu sais quand on se fait faire une voiture pièce unique, sur mesure, que reste t il à obtenir, s'est il peut être dit.
@ Hirondelle : moi non plus ! Mais celui que je côtoie au boulot ... mes amis ne sont pas comme ça.
@ Colette : ne pas plaindre sa femme, car elle aurait du se révolter depuis longtemps, sa maitresse non plus car elle va le jeter. La seule à plaindre est en effet sa fille qui vit dans la rue, junkie depuis 12 ans. Et oui, évident qu'il n'ait pas d'amis.
A tous : vos commentaires m'ont rassurée sur un point, je suis normale à n'éprouver aucune empathie pour ce mec ...et si en plus je vous qu'il me fait chier au boulot, ça finit le portrait !

[Colette48]

Le roue tourne...
seulement va-t-il tirer une leçon de tout cela ?
une fois remis, il est bien capable de recommencer à vivre de la même façon
les seules personnes que je plains sont sa femme, son ex aussi, et sa fille
en tout cas, il n'est pas surprenant qu'il n'ait pas d'amis !

[l'hirondelle]

C'est pas le monde dans lequel j'aime être, en tout cas.

[Harry]

Banale histoire ! Trop banale allai-je écrire.
Cela me conforte dans le fait qu'il faut aller à l'essentiel et que les choses simples sont les plus intéressantes et épanouissantes.
Collectionner les maîtresses est amusant si ce n'est qu'un dérivatif; sinon, ce n'est que le reflet d'une impuissance à se stabiliser et à se trouver bien soi-même.
Il faut donc bien réfléchir avant de tout vouloir basculer.

[lafemmedessteppe]

A vrai dire, je ne sais pas trop que dire... cela me laisse indifférente aussi. Enfin non, pas tout à fait. J'oserais dire qu'il le mérite.

Mais bon... ne nous leurrons pas. Une fois le choc passé, avec son fric, il pourra se payer une nouvelle femme ou une nouvelle maîtresse, pas d'inquiétude...