L'histoire qui va autour

Lorsque je vois certaines choses ou personnes,  j'aime bien imaginer l'histoire qui va avec, avant, autour ...

Le test de grossesse sur le bord d'un massif de fleurs.
Ou comment un test de grossesse (positif !) peut il atterrir sur le bord d'un massif de fleurs ?
Il est posé sur le bord en ciment, remis dans son plastique transparent.
J'imagine que la fille (femme) qui a fait ce test, l'a fait là, dans la rue, durant la nuit.
Puis voyant le résultat, qu'elle est partie, et l'a laissé là.
Était elle seule ?
Avec une copine ?
Avec son copain ?
Si elle l'a abandonné là (alors qu'il y a une poubelle à 2 mètres !), c'est qu'elle n'est pas heureuse du résultat.
J'imagine qu'elle va taire cette grossesse à ses proches, qu'elle va chercher à ne pas aller au bout des 9 mois.
J'espère dans ce cas là qu'elle pourra avoir une place à l'hôpital (celui de notre ville a son service dédié) dans les temps et qu'elle ne sera pas obligée d'aller à l'étranger (lu dans Marie claire des témoignages émouvants de ces filles qui ne peuvent faire autrement, et vont aux Pays Bas, en passant une nuit dans le bus, puis reviennent seules souvent avec leur secret).
A moins que prise d'un doute, elle revienne le chercher la nuit suivante, avec une copine à qui elle s'est confié.
Ou avec son copain, qui contrairement à ce qu'elle pensait, est très heureux de cette nouvelle et lui promet d'être présent, de s'en occuper avec elle, même si leur vie se sera pas facile (trop jeunes ? fauchés ? déjà parents ? amants ?)

L'homme avec un œil de verre, bleu.
Souvent dans la rue je croise un homme avec un œil de verre, bleu.
Cela lui fait un regard très étrange : un croisement entre le loup et le vampire !
Il a aussi un look bien à lui : des cheveux mousseux gris, mi longs sur les épaules, un grand manteau en cuir, qui mord la poussière, des bottes de cow boy en lézard bleu, le même que son œil, un jean et un pull col roulé noir.
Même en été, il est ainsi vêtu.
Je me dis que cet homme a beaucoup voyagé avec son groupe de rock, il était le bassiste, moins visible que le chanteur qui lui ramenait toujours une fille (au moins une !) dans sa chambre, moins physique que le batteur, moins remarquable que le guitariste et ses solos ...
Les autres ont arrêté la musique, ont pris les jobs pour lesquels les parents les destinaient, même si leur petite aventure musicale n'était acceptée que sous couvert de réussite scolaire. Puis ils se sont mariés, avec des filles rencontrées au boulot et non d'anciennes groupies, ont eu des gosses, 2 pour l'équilibre.
Lui, n'a pas choisi cette voie, il a préféré continuer à essayer de vivre de sa passion d'adolescent, mais il n'avait pas non plus le choix : n'ayant pas d'encouragements parentaux à accéder à une position sociale classique, il a choisi d'arrêter ses études en terminale, à 2 mois du bac.
Régulièrement, il a réussi à voir des contrats, des tournées à l'étranger avec des groupes de plus en plus obscurs, des salles vides ou pleines de mecs ivres.
C'est lors d'une de ces fins de soirées violentes, qu'il a pris part à une bagarre alors que normalement il les fuyait.
Mais ce soir là, à cause d'un trop plein ou d'un trop vide, il y a pris part.
Elle n'a pas duré longtemps, juste le temps pour lui de prendre un éclat de verre, dans l'œil.
De temps en temps, avec ceux de son groupe d'adolescence, ceux qui avec qui il osa s'avouer cette passion, ils se voient encore, ils constatent avec effroi pour certains, avec joie pour d'autres, de leurs chemins respectifs, de ce qui les éloignent ou les rapprochent encore.
Puis chacun reprend sa route, lui ses santiag, ses clopes roulées, son long manteau, eux, leur monospace, leur famille, leurs heures de tennis tous les samedi matin.

La fille qui pleure dans le métro.
Elle est assise face à moi dans le métro. Au début je ne fais pas attention à elle, je suis plongée dans mon journal.
Puis, du coin de l'œil, il me semble que je la vois, se toucher les yeux, avec de petits gestes furtifs, qu'elle espère discrets.
Puis, je l'entends renifler. Je suis que les bruits viennent d'elle, nous ne sommes que toutes les 2 dans le carré des 4 places.
Discrètement, je tente de la regarder : oui, elle pleure bien, les yeux dans le vague, elle semble perdue.
Elle consulte sans arrêt son portable, pour vérifier s'il y a du réseau, si elle a reçu un sms.
Il sonne enfin. Mais elle abrège la conversation, disant qu'elle attend un appel important mais qu'elle rappellera dés que possible.
Elle ne peut retenir ses larmes, qui coulent silencieusement sur ses joues.
Elle est bien maquillée, a mis une jupe à fleurs, un tee shirt moulant, un petit blouson en cuir et une jolie paire de chaussures, comme si elle allait à un rendez vous et qu'elle voulait plaire. Et elle vraiment jolie.
Peut être lui a t il dit que c'est fini entre eux, qu'il en aime une autre, qu'il ne l'aime plus, qu'il s'ennuie avec elle, qu'il veut une autre vie, qu'il ne veut pas vivre avec elle ?
Ou bien qu'il n'en peut plus qu'elle soit trop distante, qu'elle ne veuille pas d'une vie à deux, ni d'enfant, qu'elle préfère son boulot aux heures passées avec lui, qu'elle ne soit pas assez affective, qu'elle ne dise pas de mots d'amour.
Et là, elle réalise qu'elle l'aimait vraiment, même si elle ne lui a jamais dit.

La femme qui reçoit une gifle dans la rue.
Anne marche dans la rue d'un pas décidé.
Il lui tarde de rentrer chez elle, retrouver ses enfants, quitter ses chaussures, marcher pieds nus sur le parquet, faire le repas et lire une histoire à ses enfants, en attendant que son mari ne rentre.
L'inconnue aussi marche dans la rue mais son pas est plus incertain, comme si elle cherchait quelqu'un ou quelque chose.
Soudain elle voit Anne.
Elle va droit sur elle, lui met une gifle.
Anne ne comprend ce qui lui arrive.
Elle peut juste crier : " non mais ça ne va pas ! "
L'inconnue est déjà repartie de son pas chancelant, mais on voit à son regard qu'elle ne cherche plus, elle semble soulagée.
Qui est cette femme ? Pourquoi l'a t elle choisie, elle, Anne et sa vie sans secret ?
Ressemble t elle à une autre femme qui lui aurait fait du mal ?
Anne rentre chez elle, elle se dit que ce soir, elle proposera à son mari, d'ouvrir une bouteille de vin du dimanche car elle veut oublier cet épisode. Elle va même raconter aux enfants 2 histoires, ils pourront même regarder la télé pendant qu'elle prépare le diner.
Elle veut juste casser les habitudes car cette gifle est aussi bien physique que morale : elle se demande pourquoi, une femme va en frapper une autre, ainsi, sans un mot, puis continuer son chemin.

Comments

[Flo]

@ FAbrice : Comme toi, je pense que des personnes démarrent difficilement dans la vie. Le jour où j'ai accouché, une femme hurlait : "sortez le, je ne veux pas le voir !!!" Belles premières paroles que cet enfant a entendu en venant au monde ...
@ Fred : oui, ça bouillonne, ça barjote, ça délire, ça se fait ses petites histoires !
@ Lafemmedessteppes : cette histoire est arrivée à l'une de mes copines et depuis elle se pose des questions aussi. Elle a vraiment été très remuée !
@ Euphrosine : merci pour l'émotion ! au moins cette semaine j'en aurais donné à quelqu'un ... je plaisante, mais je suis bien contente que tu l'ai vue.
@ misscuicui : ce qui m'a troublée, c'est que ce test était bien visible, comme si elle voulait laisser un message. Car, si elle ne veut plus voir, le plus simple aurait été de le jeter dans une poubelle.

[misscuicui]

Pour le test +, j'imagine qu'il ne s'agissait pas d'une bonne surprise pour la femme.

Le mien, je l'avais gardé précieusement jusqu'à ce que le trait disparaisse...

[euphrosine]

3 textes très émouvants, où on sent l'humanité et la solitude qui va avec. Bises.

[lafemmedessteppe]

Excellent tes points de vue... j'aime beaucoup la dernière. Vraiment beaucoup.
Je crois que la leçon que je tirerais de cette baffe, s'il m'était arrivé d'en prendre une, c'est que ma vie n'est finalement pas mal du tout...

[fred]

dis donc ça bouillonne dans le cabernot ?